TRAVAIL | SANTÉ | ENVIRONNEMENT • Le cabinet TTLA & Associés propose une sélection d'informations relatives aux contentieux dans lesquels il intervient et dans ses domaines d'expertise.Consultez également le site du Cabinet: www.ttla-avocats.com
La société Orange s’est désistée du pourvoi en cassation formé à l’encontre de l’arrêt la condamnant à indemniser Mme E., en réparation des préjudices consécutifs à sa maladie professionnelle.
Ancienne technicienne réseaux au sein de France Télécom, Mme E. a été amenée à manipuler quotidiennement pendant près de 30 ans des parasurtenseurs radioactifs en verre. Atteinte d’un cancer du sein en 2007, elle a obtenu la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa maladie en 2013.
La Cour administrative d’appel de Marseille, tout comme le tribunal administratif de Montpellier, a jugé que “la société France Télécom, devenue Orange, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne mettant pas en place les obligations réglementaires qui lui incombaient en terme de suivi, de formation et de protection contre l’exposition aux rayonnements ionisants”, et que Mme E. “était dès lors fondée à obtenir la réparation intégrale de ses préjudices directement liés à cette faute.”
Par décision à effet immédiat rendue le 10 décembre 2021, le Conseil Constitutionnel déclare contraire à la Constitution une disposition légale prévoyant l’application rétroactive d’un régime d’indemnisation moins favorable aux victimes des essais nucléaires que le précédent.
L’article 57 de la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, a rendu applicable rétroactivement l’article 232 de la loi du 28 décembre 2018 modifiant la loi n°2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, qui a introduit la notion de seuil minimal d’exposition de 1mSv par an ; Le régime moins favorable en résultant devait alors s’appliquer à toutes les demandes d’indemnisation, qu’elles aient été formées avant ou après l’entrée en vigueur de ce texte, à l’exception des décisions de justice passées en force de chose jugée.
Le Conseil Constitutionnel a ainsi décidé:
d’une part, l’application de ces règles soumet ces demandes à un régime moins favorable d’indemnisation en élargissant la possibilité pour l’administration de renverser la présomption de causalité dont bénéficient les personnes qui remplissent les conditions prévues par la loi.
D’autre part, la volonté du législateur d’appliquer, conformément à ce qu’aurait été son intention initiale, un même régime à l’ensemble des demandes d’indemnisation, quelle que soit la date de leur dépôt, ne constitue pas un motif impérieux d’intérêt général justifiant l’atteinte ainsi portée au droit des personnes qui avaient engagé une procédure administrative ou contentieuse avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2018.
Par conséquent, les dispositions contestées méconnaissent les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789. Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution.
Cette décision d’inconstitutionnalité emporte effet immédiat pour les demandes d’indemnisation formulées auprès du Comité d’Indemnisation des Victimes des Essais Nucléaires (CIVEN) avant le 31 décembre 2018, qu’elles soient en cours d’instruction auprès du Comité ou en cours de contentieux devant une juridiction administrative. Dans cette situation, la présomption de causalité dont bénéficie une victime atteinte d’une maladie visée dans la liste des pathologies radio-induites, et ayant séjourné dans une zone et à une période prévue par la loi, ne pourra être renversée que si l’administration établit que la pathologie “résulte exclusivement d’une cause étrangère à cette exposition, en particulier parce que la victime n’a subi aucune exposition à de tels rayonnements”.
Ainsi, l’instruction des demandes formées avant le 31 décembre 2018 devra se faire sur le fondement du le régime plus favorable demeurera applicable, à savoir celui résultant de la loi du 28 février 2017 qui avait supprimé la possibilité de renverser la présomption de causalité en raison du caractère négligeable du risque attribuable aux essais nucléaires prévue par la loi n°2010-2 dans sa rédaction originelle.
:Loi n°2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne Article 57
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.